Ubraye a été chef-lieu de canton entre le 22 décembre 1789 (date de création des cantons en France) et le 27 septembre 1801 (réorganisation et réduction du nombre de cantons par Bonaparte).
Le “CANTON D’UBRAYE” ne comprenait que trois communes : Ubraye, Vergons et Mont-Blanc, ce qui en faisait un petit canton face à ses “grands” voisins : Annot, Entrevaux ou Castellane (qui regroupaient entre 5 et 7 communes), même si les cantons ne comptant que trois communes n’étaient pas exceptionnels sur l’ensemble du territoire français.
Pour parvenir à établir la carte exacte des cantons, il aura fallu presque une année de conciliabules, de compétitions et de contestations, souvent âpres. En pleine Révolution française, cette mission avait été confiée à la “section de division du Comité de Constitution” qui avait délégué ses pouvoirs, sur le terrain, aux députés des Sénéchaussées. Pour le département des Basses-Alpes, il s’agissait des Sénéchaussées de Digne, Forcalquier, Sisteron, Castellane et Barcelonnette. C’est eux qui vont recevoir, sous forme de “pétitions” ou de “placets”, les remarques des communautés d’habitants désapprouvant (ou approuvant) le premier découpage des cantons, tel qu’il avait été dévoilé en mars 1790.
Rien ne sera simple pour Ubraye dans l’attente de la décision finale. Le 3 septembre 1790 des lettres jugent “indispensable la suppression du canton d’Ubraye”. Le 1er octobre suivant les députés des Sénéchaussées chargés du dossier ouvrent “une instruction au sujet de la suppression du canton d’Ubraye”. La situation est terriblement compromise pour Ubraye qui argumente pourtant avec force le 18 novembre 1790 pour “la conservation de son canton”. Mais finalement, le 10 décembre 1790, c’est le coup de théâtre inespéré : les rapporteurs décident que le CANTON D’UBRAYE est officiellement “confirmé” et existera “sous sa forme d’origine” avec deux autres communes limitrophes : Vergons et Mont-Blanc !
Ubraye va donc faire partie des 4649 cantons ainsi définis en 1790, et dont le nombre passera à 4824 en 1793.
Cette “promotion” est tout à fait remarquable pour Ubraye et pour tous les autres chefs-lieux de France, mais Ubraye y voit là une forme de consécration liée à sa propre histoire. La commune pense en effet avoir été retenue parce qu’elle était une des rares dans la région à disposer d’une justice royale et d’une forte expérience dans ce domaine de par son statut juridique particulier. Or l’une des principales vocations du chef-lieu de canton, prévue par les Révolutionnaires, était de devenir le siège d’une Justice de Paix. Ces cantons, que la Révolution française vient de créer de toute pièce, vont avoir en tout cas, pendant une dizaine d’années, des prérogatives telles que les historiens parleront, par la suite, de “l’heure de gloire des cantons”.
Avec à leur tête un commissaire appelé “Agent national”, le chef-lieu de canton va être chargé – et c’est tout à fait inédit – de la gestion des communes de leur circonscription, elles-mêmes dépossédées de leur municipalité. A partir de 1798 (mais seulement jusqu’en 1801), les mariages devront même être célébrés obligatoirement au chef-lieu de canton, seul habilité à les enregistrer. Le chef-lieu, ainsi renforcé, abrite, outre le juge de paix dont on a parlé, la poste aux lettres lorsqu’il y en a une, ainsi que le gros marché de la contrée. Il est même prévu que ces nouveaux cantons puissent héberger progressivement une brigade de gendarmerie, une brigade de sapeurs-pompiers et une perception.
Cependant, après plus de dix années sous ce régime qui a vu le chef-lieu de canton s’installer avec un pouvoir fort, un bouleversement va intervenir en 1800, sous l’impulsion de Bonaparte, qui va commencer à réformer l’organisation administrative de la France. Et le 28 janvier 1801 le couperet tombe : le canton va perdre une bonne partie de sa puissance et le nombre des cantons va être considérablement réduit. Après huit mois de travaux, de débats, de protestations et de plaidoiries des intéressés l’arrêté du 27 septembre 1801 supprime 1600 chefs-lieux de canton (un tiers du total), parmi lesquels UBRAYE !
Les chefs-lieux ainsi déclassés sont rattachés à d’autres bourgs qui, pendant plus de dix ans, ont été leurs égaux. Ubraye va rejoindre le canton d’Annot, de même que les communes de Vergons et de Mont-Blanc (mais cette dernière sera ensuite rattachée à Entrevaux en 1857). Pour le département des Basses-Alpes (actuel département des Alpes-de-Haute-Provence), ce sont 21 cantons qui vont être supprimés de la sorte. Seuls deux d’entre eux seront rétablis un an plus tard : Mézel et Saint-Paul, mais pas Ubraye.
Aux dires des historiens qui ont étudié cette époque, cette refonte profonde des cantons fut mal vécue par les intéressés qui avaient construits en une dizaine d’années de nouveaux équilibres “au prix de jalousies et de rancœurs tenaces” au niveau local.
Néanmoins, les 1600 chefs-lieux de canton, effacés de la carte administrative cantonale comme le fut Ubraye en 1801, peuvent se flatter d’avoir participé à une expérience, assez nouvelle pour l’époque, de regroupements de communes, ce que l’on a appelé par la suite les “municipalités de canton”.
C’est bel et bien de l’expérimentation de 1789-1790 puis du bouleversement de 1801 que vont naître les cantons modernes, tels qu’on les connaît encore aujourd’hui. Et UBRAYE peut être fier d’avoir participé, dans son histoire, à la toute première expérience visant à faire vivre les cantons sous une forme encore balbutiante, encore imparfaite, mais pleine de promesses.